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Au cœur des montagnes escarpés et des vallées silencieuses, une vie multiple et discrète s’anime. Les Pyrénées, frontière naturelle entre la France et l’Espagne, ne sont pas seulement un décor grandiose façonné par le temps. Elles sont aussi le refuge d’une biodiversité étonnante, et de paysages en perpétuelle transformation. Ce projet invite à regarder autrement cette chaîne montagneuse : au-delà des sommets et des sentiers battus, découvrir les traces d’une nature parfois fragile mais toujours vibrante.

Du 25 juillet au 8 août 2025, j’ai passé deux semaines en immersion dans ce massif fascinant, à la rencontre de ses paysages et de sa faune discrète. Chaque jour fut une redécouverte : l’aube sur les crêtes, les torrents encore glacés…
Ce territoire à la fois rude et fragile m’a offert des instants suspendus. Observer un isard surgir d’un névé, croiser une couleuvre au détour d’un sentier ou suivre le vol d’un vautour fauve dans un ciel d’orage sont des expériences qui marquent durablement.
À travers mon objectif, j’essaie de capter cette vie souvent invisible, de témoigner de l’intensité du vivant dans un monde qui l’oublie parfois.

Cette vidéo, qui semble tournée en un seul affût, m’a en réalité pris plus de deux semaines. En attendant le cincle plongeur, j’ai eu la surprise de voir passer d’autres oiseaux, dont la bergeronnette des ruisseaux.
Dans la Somme, je ne la vois que rarement et de loin. Ici, elle s’est approchée à quelques mètres, chassant, se toilettant et dandinant sa belle queue jaune et grise.
J’ai alors sorti la caméra pour filmer ces instants simples mais précieux, qui restent parmi mes plus beaux souvenirs d’observation.


Survol
Après une heure et demie de marche intense, j’atteins enfin le sommet, après avoir gravi plus de six cents mètres de dénivelé positif. Les jambes en compote, je m’affale contre un rocher, haletant. Je sors mon appareil photo : il est temps de voir si tous ces efforts en valaient la peine. L’attente commence… une heure, deux heures… toujours rien. Puis, au loin, j’aperçois une nuée de vautours, planant en cercle, très haut dans le ciel. Petit à petit, l’un d’eux se détache du groupe et s’approche, glissant dans l’air avec une élégance presque irréelle.
D’un geste vif, je braque mon appareil vers lui et presse le déclencheur, maintenant la pression de longues secondes. Pas question de rater cette occasion : aucun réglage à changer, seulement la confiance dans mon instinct. Le vautour passe au-dessus de moi, majestueux, avant de reprendre de l’altitude, porté par un puissant courant ascendant. Tremblant d’excitation, je regarde l’écran. Les images sont nettes, parfaitement cadrées : la récompense de ma patience et de mes efforts, figée à jamais dans la mémoire de mon appareil.

Ondulation
Le deuxième jour de mon arrivée dans les Pyrénées, nous sommes partis, ma famille et moi, pour une petite balade de quelques heures dans les montagnes environnantes. J’avais emporté mon appareil photo, espérant croiser quelques animaux, mais rien ne se passa : pas la moindre silhouette sauvage à l’horizon, seulement quelques papillons virevoltant au soleil. En redescendant vers le village où nous logions, je commençais à me dire que la journée photographique serait décevante. C’est alors que, sur la route bitumée, j’aperçus une superbe couleuvre verte et jaune, immobile, profitant de la chaleur accumulée par le revêtement.
Je m’accroupis immédiatement pour tenter quelques clichés, mais les voitures passaient dangereusement près d’elle. Après quelques minutes à immortaliser ses écailles éclatantes, il devint évident qu’elle risquait de se faire écraser. Avec l’aide d’un automobiliste qui s’était très gentiment arrêté, nous la déplaçâmes prudemment sur le bas-côté, à l’abri. En la regardant s’éloigner dans les herbes, je compris que cette rencontre imprévue valait bien plus qu’une longue traque photographique : elle avait ajouté un souvenir précieux et vivant à mon séjour.

Plongeur
À peine quelques jours après mon arrivée dans les Pyrénées, je me levai tôt, vers six heures, et partis marcher le long du gave qui coulait près de ma maison. Après une petite heure, je m’installai sur un tas de galets au milieu de l’eau, décidé à patienter pour découvrir ce qui vivait dans ces lieux. Deux heures passèrent. Il était bientôt neuf heures lorsque, profitant d’un étirement, bras levés vers le ciel, je vis, à seulement quelques mètres de moi, un cincle plongeur. Cet oiseau, absent de ma région natale de la Somme, figurait depuis longtemps dans mes rêves de photographe. J’ignorais qu’il vivait ici. Mais, malgré cette proximité incroyable, je n’eus pas le temps de déclencher : à peine avais-je posé les mains sur mon appareil qu’il s’envola, effrayé par mon mouvement. Je m’en voulus terriblement. Dès lors, je pris l’habitude de me lever chaque matin à six heures, pendant deux semaines, avec une détermination sans relâche. Plusieurs fois, il revint près de moi, mais toujours un problème survenait : batterie vide, autofocus défaillant…
Le dernier jour, celui de mon départ, il ne me restait plus qu’un essai. Allongé inconfortablement sur mon îlot de pierres, j’attendis… une heure, une heure et demie, toujours rien. Puis, soudain, dans un cri métallique, deux cincle adultes surgirent et frôlèrent ma position avant de se poser, trop loin pour une photo. Ils repartirent aussitôt. Je crus que ma chance était définitivement perdue. Pourtant, quelques minutes plus tard, un nouvel individu apparut, cette fois à quelques mètres seulement. Je déclenchai aussitôt, mais mon autofocus perdit le sujet. Longues secondes de tension pour le récupérer, jusqu’à ce que je parvienne enfin à figer sa silhouette. Je passai alors de merveilleuses minutes en compagnie de cet oiseau fascinant, savourant le moment autant que les images que j’en rapportai.


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